Critique de « À sa place » : une affaire de meurtre réveille l’indépendance d’une femme lors de la candidature chilienne aux Oscars

Critique de « À sa place » : une affaire de meurtre réveille l’indépendance d’une femme lors de la candidature chilienne aux Oscars

En tant que cinéphile ayant vu pas mal de thrillers, de drames et de documentaires, je dois dire que « In Her Place » est un mélange de genres intrigant qui laisse réfléchir longtemps après le générique. La prémisse du film, centrée sur la vie de Mercedes, une femme vivant par procuration par une autre dans le luxueux appartement de Geel, résonne en moi à un niveau profondément personnel.


La nouvelle de Raymond Carver intitulée « Voisins » a brillamment capturé la sensation étrange d’habiter la maison d’une autre personne en son absence – une excitation passagère de vivre la vie de quelqu’un d’autre, accompagnée de la prise de conscience qu’elle semble plus vibrante et plus vaste que la vôtre. Ce mélange particulier d’émotions, à la fois séduisantes et troublantes, se reflète dans « In Her Place », un mélange inhabituel de récit de crime réel, de drame domestique et de récit féministe. Il s’agit d’une incursion difficile dans la fiction pour Maite Alberdi, une célèbre documentariste chilienne qui a reçu des nominations aux Oscars pour ses œuvres « The Mole Agent » et « The Eternal Memory ».

Vous ne vous en rendrez peut-être pas compte au premier coup d’œil, mais le dernier documentaire d’Alberdi, « In Her Place », présente des similitudes frappantes avec son travail précédent. Par exemple, tout comme « The Mole Agent », cette production mélange une narration procédurale, des éléments de genre traditionnels et une délicieuse dose de comédie humaine dans un mélange non conventionnel. Dans le cas de « In Her Place », la protagoniste, Mercedes (interprétée par Elisa Zulueta), est une curieuse mère qui travaille et secrétaire d’un juge principal dans les années 1950 à Santiago. Alors qu’un procès pour meurtre très médiatisé s’empare du tribunal, Mercedes se retrouve entraînée dans sa propre enquête privée.

Maria Carolina Geel, également connue sous le nom de Francisca Lewin, n’est pas un personnage fictif : auteure chilienne renommée et respectée, elle a tué par balle son amant dans l’élégante salle à manger de la capitale de l’hôtel Crillón le 14 avril 1955. La documentariste d’Alberdi retrouve le personnage de Geel. une histoire captivante, comme n’importe qui le ferait : il s’agit d’un crime passionné, mais ce qui a suivi – une peine controversée de trois ans, une grâce présidentielle accordée prématurément, et l’écriture et la publication par Geel d’une autobiographie confessionnelle alors qu’il était emprisonné – est encore plus intrigant. Ce matériau offre un potentiel considérable pour le cinéma, mais le présenter à travers le point de vue d’un admirateur imaginaire ne crée pas un effet dramatique satisfaisant : Mercedes sert avant tout de substitut à la fascination du cinéaste plutôt que d’émerger comme un personnage convaincant à part entière. .

Les premières scènes du film décrivent Mercedes comme une gardienne sans relâche occupée pour la plupart des hommes de sa vie, y compris son malheureux et négligent mari Efrain (Pablo Macaya), qui exploite une entreprise de photographie de portraits depuis leur modeste maison ; ses deux fils adultes, trop à l’aise avec ses tâches ménagères pour s’aventurer seuls ; et son patron, très respecté dans son domaine mais perdu sans l’assistance administrative méticuleuse de Mercedes, allant des formalités administratives complexes aux courses banales. Une tâche apparemment banale mène à des découvertes intrigantes lorsqu’elle est envoyée récupérer les vêtements de Geel pour l’accusé alors qu’il est temporairement hébergé dans un couvent en dehors de la ville.

Il n’est pas étonnant que la demeure grandiose et opulente de l’écrivain à succès contraste fortement avec la modeste demeure du parajuriste surmené : elle est vaste, richement décorée avec des meubles haut de gamme et ornée d’objets à la mode et de bibelots élégants. Ce qui captive le plus la Mercedes fatiguée, c’est son poste vacant. D’une manière ou d’une autre, elle se retrouve provisoirement chargée des clés de cette maison. Au début, elle le visite par instinct altruiste habituel, en s’occupant des plantes et en maintenant l’ordre. Cependant, au fil du temps, sa curiosité prend le dessus sur son altruisme. Elle s’adonne au style de vie luxueux que Geel apprécie : lire ses livres, dormir sur son grand lit, essayer et porter ses vêtements coûteux au travail. Cet appartement devient un sanctuaire pour Mercedes, lui offrant une évasion des imperfections de sa propre vie, tant sur le plan familial que politique et existentiel. Entre ces murs, elle peut embrasser la femme indépendante et puissante à laquelle elle a toujours aspiré.

Cet arrangement cinématographique semble préparer le terrain pour un drame psychologique à la Hitchcock, rempli de duplicité et de malaise. La cinématographie de Sergio Armstrong, la scénographie de Rodrigo Bazaes Nieto et les costumes de Muriel Parra créent une atmosphère qui rappelle le film noir du jour, renforçant les rêves d’évasion de Mercedes. Même si l’aspect numérique soigné du film affaiblit légèrement l’illusion, Mercedes l’ignore. Il y a une sombre ironie dans le fait que la libération de cette femme dépend entièrement de l’acte de violence impulsif d’un homme.

Cependant, le scénario intrigant d’Inés Bortagaray et Paloma Salas semble hésiter à explorer des thèmes plus profonds et plus stimulants, reflétés dans le portrait lumineux et joyeux de Mercedes par Zulueta. Le scénario maintient une perspective équilibrée sur l’obsession, garantissant qu’elle reste saine, sans répercussions graves émergeant de la double vie de Mercedes, et la frontière entre fiction et réalité reste nette. « In Her Place », le projet chilien pour l’Oscar du meilleur long métrage international de cette année, semble être un concept de court métrage intéressant développé sur un sujet mieux adapté à un documentaire ou à un biopic. Malgré le parcours de découverte de Mercedes, c’est Geel qui nous laisse réfléchir, pas elle.

2024-10-09 22:48