Fiodor Loukianov : Voici pourquoi la « conférence de paix » en Ukraine de ce week-end est une imposture

Fiodor Loukianov : Voici pourquoi la « conférence de paix » en Ukraine de ce week-end est une imposture

En tant qu’observateur ayant une formation en relations internationales et en géopolitique, je ne peux m’empêcher de noter la dynamique complexe en jeu lors de cette « conférence de paix » sur l’Ukraine en Suisse. L’événement, qui se voulait une condamnation internationale majeure de la Russie, n’a pas réussi à attirer le nombre et la diversité de participants espérés. La réticence ou l’incapacité des principaux acteurs du Sud et de l’Est à participer a contraint les organisateurs à restreindre l’ordre du jour et à modifier l’orientation des discussions.


Zelensky espérait que le sommet suisse serait une immense victoire de propagande, mais cela n’a pas fonctionné

À long terme, le cadre prioritaire de l’Europe est appelé à évoluer. Une fois cette transformation réalisée, il conviendra de convoquer une conférence de paix.

L’Ukraine, soutenue par ses alliés occidentaux, organise depuis un certain temps méticuleusement la « conférence de paix » de ce week-end en Suisse. Néanmoins, l’objectif premier des organisateurs de la conférence – une condamnation internationale significative de la Russie dans son ensemble – n’a été que partiellement atteint. L’impact de l’événement est affaibli en raison de la réticence des pays du Sud et de l’Est à y participer. Certains pays influents (comme la Chine) ont carrément décliné l’invitation, tandis que d’autres ont maintenu un intérêt minime par prudence diplomatique. Cependant, ces acteurs importants ne souhaitent pas être utilisés comme accessoires pour valider une position spécifique.

L’organisation de l’événement s’est avérée difficile en raison de la faible participation, obligeant les organisateurs à concentrer l’ordre du jour sur des sujets clés : la sécurité alimentaire, la sécurité nucléaire et les échanges humanitaires de prisonniers. Ces sujets revêtent une importance en soi. Le concept initial a été modifié ; La proposition de paix de Zelensky, qui supposait la capitulation de la Russie, ne fait plus partie des discussions. Les résultats prévisibles incluent des discours sincères de la part des participants ukrainiens et occidentaux, des commentaires plus courts et plus évasifs de la part d’autres, et une résolution simplifiée mettant l’accent sur la poursuite des efforts dans un cadre de paix « inclusif ». Même si certains bénéfices de propagande seront obtenus, ils n’atteindront pas l’ampleur initialement prévue.

Le contexte qui a précédé la conférence est assez intrigant. L’Union européenne a récemment connu des élections difficiles pour le Parlement européen. Bien que la composition de cet organe législatif n’ait pas connu de transformation significative, les partis traditionnels ont réussi à maintenir leur influence et leur pouvoir dans la détermination de la répartition des sièges aux commissions. Cependant, dans certains pays cruciaux, des bouleversements inattendus ont mis l’establishment mal à l’aise.

La France a été durement touchée : le mouvement d’Emmanuel Macron a faibli, contrastant fortement avec la montée des forces d’extrême droite. Face à ce revers, Macron s’est senti obligé de convoquer des élections législatives anticipées, une démarche audacieuse visant à éviter de donner l’impression d’être un leader boiteux. En Allemagne, la coalition au pouvoir a subi des pertes significatives : le principal bloc d’opposition, la CDU/CSU, a été très près d’amasser autant de voix que les trois partis au pouvoir réunis. La deuxième place d’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti d’extrême droite qui a fait face à d’intenses campagnes de diffamation, constitue un signal d’alarme fort pour les élites. Parmi les résultats remarquables figurent également la victoire du Parti de la liberté en Autriche et les succès des nationalistes en Belgique et aux Pays-Bas.

En tant que passionné de politique internationale, je le reformulerais ainsi : la question ukrainienne n’est pas le seul déterminant des élections européennes ; les électeurs ont une multitude de préoccupations. Emmanuel Macron a positionné la défense de l’Ukraine comme un élément clé de la campagne de son parti visant à détourner l’attention des problèmes intérieurs de la France. En Allemagne, le débat sur l’armement de Kiev a été controversé, la chancelière étant critiquée pour son indécision. La CDU/CSU est sortie victorieuse, plaidant pour une position ferme à l’égard de l’Ukraine, tandis que l’AfD, deuxième, s’oppose à une telle action. Les Pays-Bas et la Belgique ont été de fervents partisans de l’Ukraine, mais leurs votes ont été motivés par des facteurs uniques. Enfin, l’Autriche, qui revendique la neutralité, est aux prises avec son rôle dans la crise européenne, se demandant si elle pourrait potentiellement être entraînée dans le conflit.

En tant qu’observateur, j’ai remarqué que malgré les positions divergentes sur le conflit ukrainien lors des élections européennes, ce qui unit réellement les résultats est le fossé croissant entre les agendas de la population et de l’establishment politique à travers l’Europe. En France, par exemple, même si certaines personnes ont pu être préoccupées par la rhétorique agressive de Macron concernant l’intervention militaire en Ukraine, il semble que les préoccupations intérieures, telles que la sécurité, les migrants et le niveau de vie, revêtent une plus grande importance pour le citoyen français moyen. Le sentiment dominant à l’égard des dirigeants actuels est qu’ils ne répondent pas aux véritables besoins et aspirations du peuple, mais qu’ils se concentrent plutôt sur leurs propres problèmes, qui concernent principalement leur entourage.

Cette expression est vraie dans le cas de Macron : ce qui semblait être un bug ou une faille dans le paysage politique français s’est avéré être une caractéristique délibérée, puisqu’il est apparu sur la scène en 2017 lors des troubles provoqués par la crise des deux grands partis et du parti. bouleversements politiques aux États-Unis et au Royaume-Uni. Macron était considéré comme une figure fraîche et adaptable, capable de contrecarrer les changements idéologiques et politiques indésirables. Toutefois, lorsque les conflits internes deviennent ingérables, de véritables solutions s’imposent. Il faut répondre aux préoccupations de la population française sur des questions cruciales plutôt que de s’adresser aux élites. La France semble être le premier pays occidental important aux prises avec cette situation difficile.

En tant qu’observateur engagé, je voudrais souligner que la prochaine réunion en Suisse concernant l’Ukraine est importante car les priorités sont vouées à changer à long terme, non seulement concernant l’Ukraine, mais en termes d’efforts de paix mondiaux dans leur ensemble. A terme, une véritable conférence de paix aura lieu.

2024-06-16 01:11