Critique de « Sew Torn » : un point dans le temps n’en sauve aucun dans cette comédie policière en boucle

Critique de « Sew Torn » : un point dans le temps n'en sauve aucun dans cette comédie policière en boucle

En tant que cinéphile chevronné avec un faible pour les films décalés et qui changent de genre, je me retrouve complètement séduit par « Sew Torn ». Ayant moi-même passé mes années de formation dans les Alpes suisses, je ne peux m’empêcher de ressentir une parenté particulière avec le décor fantastique mais familier du film. Le mélange de détournements de petites villes, de tension néo-noir et de fantaisie fruit-loop est un cocktail enivrant qui m’a laissé à la fois ravi et perplexe, un peu comme la première fois que j’ai essayé le vin suisse.


Dans « Sew Torn », une comédie policière intrigante, plusieurs univers distincts coexistent, aucun d’entre eux ne ressemblant au nôtre. Ce film unique juxtapose les armes à feu avec la couture, l’innocence contre la culpabilité et des éléments de genre bruts avec une fantaisie fantaisiste. Bien qu’il emprunte sa structure à l’influente production de Tom Tykwer des années 90, « Run Lola Run », antérieure à la naissance du réalisateur Freddy Macdonald, 24 ans, ce film est suffisamment original pour cultiver une base de fans dévouée. Il offre un mélange de pitreries dans une petite ville, d’atmosphère sombre néo-noir et d’humour intelligent, tournant autour d’un protagoniste rappelant MacGyver mais avec un kit de couture à la place. Certains téléspectateurs apprécieront l’absurdité du film, tandis que d’autres trouveront peut-être qu’il repousse trop les limites, mais beaucoup se souviendront sûrement du nom de Macdonald.

Visuellement frappant mais sans doute manquant de profondeur, « Sew Torn » semble être une adaptation étendue du court métrage du même nom de Macdonald en 2019. Ce début prometteur, acquis par Searchlight Pictures, conduit le cinéaste à signer avec l’UTA et fait de lui le plus jeune réalisateur admis au Conservatoire AFI. Même si la version complète présente parfois un côté étudiant (le scénario de Macdonald, co-écrit avec son père Fred, a tendance à être direct et répétitif dans la transmission de ses thèmes centraux), elle met en valeur une compétence technique impressionnante et une narration vibrante. Déjà très appréciée au SXSW au printemps, cette collaboration américano-suisse a fait sa première internationale dans le cadre du programme Piazza Grande de Locarno destiné au public populaire. Les distributeurs indépendants ayant un penchant pour les films de genre en prendront probablement note.

« Ah, des choix », dis-je doucement dans la scène d’ouverture, une phrase répétée tout au long du film à mesure que les événements se déroulent et s’entrelacent. Ce film semble être un labyrinthe où mes actions me mènent, et il vous invite, le spectateur, à réfléchir à vos propres décisions aux côtés des miennes. Vous pourriez vous demander : « Suis-je censé ressentir de la sympathie pour moi ou considérer cela comme un comportement immoral ? Mais avant de parvenir à ce jugement, bien d’autres questions se posent. Par exemple, pourquoi sommes-nous dans une pittoresque vallée alpine suisse, alors que personne ne semble être Suisse et que tout le monde parle anglais ? (Peut-être que la famille de Macdonald a déménagé là-bas quand il était jeune, offrant un certain contexte.) De quelle année sommes-nous précisément ? Quel rôle joue la couture dans cette histoire ? Ce film est-il basé sur la réalité ?

En effet, il y a un mélange d’affirmation et de déni dans ce scénario. Malgré la personnalité sérieuse et attentionnée de Barbara, elle est profondément aux prises avec ses responsabilités. Ayant hérité de l’entreprise de couturière mobile de sa mère, elle a eu du mal à la maintenir conformément au dernier souhait de sa mère. Cependant, face à des perspectives qui s’amenuisent, elle est sur le point de reconnaître sa défaite et de fermer ses portes. Dans cette Suisse rurale fictive, la demande pour le service unique de Barbara – des « portraits parlants » au point de croix – est rare.

Le voyage inattendu amène Barbara à découvrir une scène d’accident et de crime sans surveillance dans un virage tranquille : deux motocyclistes grièvement blessés, une dispersion de cocaïne sur la route et une mallette remplie d’argent à proximité mais hors de portée des deux motards. Face à trois choix – prendre l’argent, contacter la police ou l’ignorer – Barbara en choisit un dans « Sew Torn », décrivant les conséquences de chaque action. Bien que les résultats diffèrent, ils l’entraînent tous dans des rencontres avec un gangster menaçant nommé Hudson (John Lynch) et une simple shérif âgée, Mme Engel (K Callan). Chaque situation laisse Barbara dans une situation difficile à laquelle seule ses compétences en couture peuvent l’aider à s’échapper.

Les scènes extravagantes de ce film sont à la fois son aspect le plus ridicule et son objectif principal. Par exemple, la protagoniste, Barbara, tisse des fils dans des engins complexes tels que des poulies, des dispositifs de retenue et des pièges à berceaux pour chats. À un moment donné, elle navigue à travers un labyrinthe déroutant de coton dans une scène de combat vertigineusement coordonnée, accompagnée de la chanson classique de Betty Hutton « The Sewing Machine ».

De mon point de vue, « Sew Torn » utilise les attributs d’un thriller comme voile pour un paysage onirique amélioré et fantaisiste. Les personnages sont si abstraits que les situations de vie ou de mort semblent presque insignifiantes, mais Connolly parvient à nous garder captivés par les actions imprévisibles de Barbara, même si nous nous interrogeons sur leurs ramifications morales invraisemblables. Avec la cinématographie vibrante aux couleurs primaires de Sebastian Klinger et la conception de production confortable et temporel de Viviane Rapp, « Sew Torn » crée une sorte de terrain de jeu pour adultes où la réalité peut être remodelée, déchirée et reconstituée avec désinvolture. Si McDonald peut utiliser cette réimagination insouciante de la réalité pour explorer des thèmes plus vastes et des contours narratifs plus audacieux, il pourrait très bien devenir le prochain grand nom de l’industrie.

2024-08-12 03:16