Dans le drame politique poignant « Je suis toujours là », Walter Salles lance un avertissement urgent : « Un pays sans mémoire est un pays sans avenir »

Dans le drame politique poignant « Je suis toujours là », Walter Salles lance un avertissement urgent : « Un pays sans mémoire est un pays sans avenir »

En tant que critique de cinéma chevronné ayant des racines profondément ancrées dans le sol riche et vibrant du cinéma brésilien, j’ai eu le plaisir d’être témoin de l’évolution de cette forme d’art dans mon propre pays. Pourtant, rares sont les films qui m’ont laissé une marque aussi indélébile que le dernier chef-d’œuvre de Walter Salles, « Je suis toujours là ».


Un souvenir de la demeure de la famille Paiva à Rio de Janeiro, à quelques pas de la plage, est resté à jamais gravé dans mon esprit, Walter Salles. L’endroit était ouvert et accueillant, avec des portes et des portails qui ne fermaient jamais, des fenêtres qui accueillaient la lumière du soleil et la brise marine. Il y avait de la musique, de la danse, des rassemblements, des discussions et des idées innovantes. Cependant, cette atmosphère animée a été brisée en 1971 lorsque Rubens Paiva, un ancien membre du Congrès devenu ingénieur, a été arrêté par les autorités – que ce soit la police ou l’armée n’était pas immédiatement clair – pour être interrogé, torturé et finalement, sa mort tragique. Cet événement tragique a laissé Eunice, sa femme et leurs cinq enfants avec la lourde tâche de reconstituer les fragments et de chercher des réponses dans un pays qui était sous un régime militaire depuis sept ans et qui allait se poursuivre pendant sept autres années.

Selon Salles, qui s’y rendait fréquemment lorsqu’il était jeune, la maison dégageait une énergie vibrante que tout le monde trouvait captivante. Un jour fatidique, à notre retour, nous avons découvert qu’il avait été fermé et que la police était postée à l’extérieur. La surprise était palpable.

Salles, un cinéaste brésilien de renom, a consacré une partie importante de sa carrière à décrire le voyage progressif, parfois langoureux, de son pays vers la démocratie à travers des films tels que « Central Station ». Cependant, « I’m Still Here », qui plonge dans les moments difficiles de la vie de la famille Paiva, est peut-être son œuvre la plus intime à ce jour, compte tenu des liens étroits qu’il a entretenus avec ces individus au cours de son éducation. Ce film, témoignage de son talent, constitue également un avertissement poignant sur les menaces que représente l’autoritarisme. Le film a été acclamé au Festival du Film de Venise, les critiques louant le portrait d’Eunice par Fernanda Torres comme potentiellement digne d’un Oscar. Il sera projeté cette année au Festival du film de Toronto, suivi d’une sortie nationale par Sony Pictures Classics à l’automne.

En tant que critique de cinéma, je me suis retrouvé attiré par la subtilité du chef-d’œuvre de Fernando Meirelles, où le thème volatile était traité avec une main retenue. Contrairement à certains réalisateurs qui auraient pu opter pour des gros plans dramatiques ou des mouvements de caméra intenses pour faire monter la tension, Meirelles a choisi une voie plus authentique. Selon ses propres mots : « Je ne cherchais pas à amplifier les émotions ; je voulais être authentique.

Il explore attentivement le mystère de la disparition de Rubens, accompagnant ses parents, ses frères et sœurs pendant leurs tranquilles journées d’été à la plage, leurs après-midi au glacier et leurs événements sociaux où les célèbres soufflés d’Eunice étaient un incontournable. « Il est crucial de laisser la vie se dérouler naturellement », explique Salles. « Dans un premier temps, je souhaite vous plonger dans l’expérience sensorielle de faire partie d’une famille.

L’objectif était de montrer à quel point la joie était éteinte lorsque Rubens avait « disparu ». Pour aider les acteurs à se mettre dans le bon état émotionnel, il a tourné le film par ordre chronologique. C’était un cauchemar logistique pour un film tourné sur place, car les changements de temps ou de disponibilité nécessitent souvent de filmer les choses dans le désordre. « Cela m’a permis de me mettre dans la peau de mon personnage », explique Torres. « Vous avez eu cette partie ensoleillée du film avec les enfants, les fêtes et les amis. Ensuite, tout vous est enlevé et vous êtes rempli de ce sentiment de perte. J’avais l’impression que moi, Fernanda, j’avais vécu ça.

Salles a conseillé à Torres de minimiser le chagrin et l’inquiétude d’Eunice, soulignant que son personnage doit garder son sang-froid pour le bien de ses petits. « Elle reste silencieuse », note Torres. « Elle ne peut pas simplement paniquer. Elle n’a pas le luxe de s’apitoyer sur elle-même. Pourtant, son comportement a une signification profonde. Quand quelque chose de pénible lui arrivait, elle restait calme. Elle souriait. Elle n’a pas trahi sa douleur.

Initialement, les Paivas étaient moyennement aisés au début du film. Cependant, la disparition de Rubens leur a causé une importante instabilité financière. Comme les autorités brésiliennes ont mis des décennies à délivrer un certificat de décès à Rubens, Eunice n’a pas pu accéder aux fonds de sa famille et a été obligée de vendre tous ses biens et de recommencer à zéro. Finalement, elle est retournée aux études et s’est spécialisée dans le droit des droits de l’homme.

«Son voyage s’est mélangé à celui du Brésil alors qu’il cherchait à se redéfinir», dit Salles.

Le voyage a persisté tout au long des sept années turbulentes pendant que Salles travaillait assidûment sur le scénario et assemblait ensuite le film. Cette phase a coïncidé avec l’obtention de la présidence de Jair Bolsonaro, un potentiel autoritaire de droite, mais son éviction quatre ans plus tard lors d’élections serrées contre Luiz Inácio Lula da Silva. Des scènes étonnamment similaires aux émeutes du 6 janvier se sont déroulées lorsque les partisans de Bolsonaro ont envahi les bâtiments administratifs brésiliens, attisés par ses allégations de fraude électorale.

En me lançant dans ce voyage cinématographique, je pensais au départ que nous revisitions simplement un vieux conte, mais au fur et à mesure que l’histoire se déroulait, il est devenu évident qu’il s’agissait tout autant d’un miroir reflétant notre époque actuelle. Il est crucial de se souvenir des événements du passé. Le cinéma, sous sa forme puissante, peut servir d’outil pour défier et résister à ces forces puissantes, nous aidant ainsi à éviter l’oubli. Une nation dépourvue de mémoire est une nation dépourvue d’espoir pour l’avenir. – Votre humble critique de cinéma.

2024-09-07 21:17