Revue de « Serpent’s Path » : Kiyoshi Kurosawa se tourne vers son propre catalogue, avec des résultats froidement convaincants

Revue de « Serpent's Path » : Kiyoshi Kurosawa se tourne vers son propre catalogue, avec des résultats froidement convaincants

En tant que cinéphile ayant parcouru les vastes paysages du cinéma mondial, je me trouve captivé par les œuvres de Kiyoshi Kurosawa – un maître dans son métier qui aborde le cinéma avec un dévouement inébranlable et une curiosité implacable. Sa dernière offre, « Serpent’s Path », témoigne de cette quête inlassable de la perfection, alors qu’il revisite son propre thriller de 1998 avec une nouvelle perspective et un nouveau professionnalisme.


Lors d’une conversation avec François Truffaut, Alfred Hitchcock a déclaré que la version initiale de son film de 1934 « L’Homme qui en savait trop » avait été créée par un amateur exceptionnellement talentueux, tandis que le remake de 1956 reflétait le travail d’un professionnel chevronné. Il est rare que les cinéastes aient l’opportunité et les compétences de revisiter leurs propres créations ; Encore plus rares sont ceux qui parviennent à produire quelque chose de significatif dans le processus. (Arrêtons-nous en souvenir du remake imparfait en anglais de « The Vanishing » de George Sluizer.) Kiyoshi Kurosawa, tout comme Hitchcock, est un artiste de genre tenace qui considère chaque film comme une opportunité de prouver ses capacités. « Serpent’s Path », une réimagination rapide, impitoyable et même raffinée de son thriller de 1998 portant le même titre, démontre avec succès son talent sans transpirer.

Il n’est pas nécessaire de refaire « Serpent’s Path » dans l’immédiat, à moins que ce ne soit pour la satisfaction personnelle de le faire. L’original, une histoire effrayante de vengeance avec des rebondissements psychologiques de plus en plus complexes, n’a jamais été une œuvre significative, et la nouvelle adaptation de Kurosawa (contrairement à son prédécesseur, qu’il a uniquement réalisé) ne vise pas à l’étendre de manière significative. Changer le sexe d’un personnage central et déplacer le décor du Japon vers la France ajoute cependant de la fraîcheur à une histoire qui a été reprise de l’original. Cela donne au récit plus d’attrait, tout comme le déménagement – créant une touche d’inspiration française qui correspond mieux à la sensibilité de Kurosawa que sa précédente production française, la terne histoire de fantômes de 2016 « Daguerrotype ». Le film est déjà sorti au Japon avant sa première internationale à Saint-Sébastien, et il devrait circuler sans problème dans les cinémas d’art et d’essai du monde entier.

L’histoire commence par un enlèvement, ouvrant la voie aux personnalités distinctes de ses personnages principaux : le nerveux Français Albert (Damien Bonnard) et le calme et énigmatique psychiatre japonais Sayoko (Kô Shibasaki), qui endosse un rôle similaire à celui de Sho Aikawa de le film précédent. Bien qu’Albert fasse preuve d’appréhension lors de leur première rencontre devant un immeuble de bureaux parisien indéfinissable, le sang-froid de Sayoko l’emporte lorsqu’ils entrent, s’approchant du comptable Laval (Mathieu Amalric), en costume terne, l’étourdissant avec un Taser, le mettant dans un sac mortuaire et le mettant. dans le coffre de leur véhicule. Cette introduction rapide et violente donne le ton d’un film qui se déroulera avant tout sous forme d’action, avec une clarification ultérieure.

En reprenant conscience, Laval se retrouve enchaîné à un mur dans un lugubre entrepôt à l’extérieur de la ville. D’une manière étrangement familière qui rappelle celle d’un enseignant des années 90, Albert pousse un chariot de télévision vers l’avant. Il diffuse ensuite une séquence vidéo floue d’une jeune fille qu’il prétend être sa fille décédée de 8 ans, enlevée et brutalement assassinée dans un réseau de trafic d’enfants lié à Minard, la sinistre société où travaille Laval. Ce passé macabre – impliquant deux autres employés du Minard (Grégoire Colin et Slimane Dazi) – contribue à expliquer le comportement sauvage et imprévisible d’Albert, même s’il n’est pas certain qu’on puisse faire confiance à l’un de ses captifs, car les détails et l’étendue de ce complot criminel présumé restent flous. et peu clair.

Ce qui est le plus déroutant à comprendre, ce sont les intentions de Sayoko pendant la quête de vengeance d’Albert, car leur relation devient de plus en plus floue à mesure que nous y approfondissons. Malgré nos efforts, nous ne parvenons jamais à bien les connaître : le directeur de la photographie Alexis Kavyrchine utilise souvent des plans longs et lointains qui semblent nous narguer ou nous aliéner, ce qui rend les gros plans rares. En conséquence, ces quelques précieux gros plans pourraient nous amener à interpréter plus que ce qui est réellement là.

Se pourrait-il que Sayoko ait conçu ce projet comme une approche thérapeutique intense pour un patient vulnérable ? L’intrigue secondaire intrigante sur ses interactions avec Yoshimura (Hidetoshi Nishijima de « Drive My Car »), qui fait face à un grave choc culturel et à une dépression, soulève plus de questions qui suscitent la réflexion qu’elles n’en répondent. Le jeu remarquable et sans expression de Ryōko Shibasaki nous laisse deviner – dans certaines scènes, son efficacité froide sert d’équilibre apaisant à la folie bouillonnante d’Albert, tandis que dans d’autres, nous sentons un cœur rigide, inflexible et potentiellement irrationnel se cacher en dessous.

Malgré les rebondissements complexes et spontanés du scénario de Kurosawa et d’Aurélien Ferenczi, ce qui brille vraiment dans « Le chemin du serpent » ne sont pas ses structures complexes, mais plutôt ses éléments décalés et humoristiques : l’augmentation progressive mais banale du nombre de morts, l’affichage répétitif des personnages d’Albert. des présentations vidéo de plus en plus absurdes et des plans récurrents d’un Roomba se déplaçant dans un salon qui, malgré sa banalité, devient de plus en plus inquiétant à chaque apparition. Ce sont les détails mineurs qu’un réalisateur peut choisir de souligner dans une histoire qu’il a déjà racontée ; « Serpent’s Path » ne semble peut-être pas quelque chose de nouveau pour son réalisateur expérimenté, mais c’est une démonstration de compétence décontractée et divertissante.

2024-09-25 17:18