Revue de « Trois amis » : une tresse française lâchement nouée d’affaires pas si illicites

Revue de « Trois amis » : une tresse française lâchement nouée d'affaires pas si illicites

En tant que critique de cinéma chevronné ayant un penchant pour savourer les nuances du cinéma européen, je dois avouer que « Trois amis » m’a laissé le verre à moitié plein – pas tout à fait débordant de nouveauté, mais certainement pas dénué de charme. Ce film s’apparente à une bouteille de bon vin français : il ne vous surprendra pas par son terroir, mais il ravira votre palais par sa finale onctueuse.


« Dans le film « Trois amis », un personnage remarque avec désinvolture que le véritable amour ne durera peut-être pas éternellement. Si une telle acceptation était courante, de nombreuses histoires romantiques ne seraient pas écrites. Ce film, qui tourne autour de trois amies lyonnaises, qui traitent de Les relations complexes et les infidélités à la fin de la trentaine ou de la quarantaine peuvent sembler inhabituelles, mais c’est un visionnage agréable et mature. Bien qu’il ne soit pas entièrement original dans le travail du réalisateur ou dans le genre plus large de la romance française, il offre un spectacle léger et détendu.

Depuis ses débuts « Laissons Lucie faire! » en 2000, Mouret a constamment produit des variations sur un thème, s’intéressant occasionnellement au cinéma patrimonial comme on le voit dans la pièce d’époque de 2018 « Lady J », mais adhérant généralement à une formule fiable pour des études relationnelles modernes et vivantes qui attirent les meilleurs acteurs français. Bien qu’il soit bien implanté en France (avec « Love Affair(s) » de 2020 ayant reçu un nombre impressionnant de 13 nominations aux César), son travail n’a pas fréquemment atteint les maisons d’art internationales. Avec sa sélection à la Mostra de Venise marquant les débuts de Mouret au plus haut niveau de l’un des trois grands festivals, « Trois amis » pourrait renforcer son statut d’auteur, même s’il ne présente pas beaucoup de différence en termes de forme ou de thème pour lui.

Le film rend hommage à ses inspirations du début, évidentes dans le générique d’ouverture avec un jeu de piano jazz, un écran noir et un texte de titre centré sur du blanc, stylisé comme la police Windsor Light Condensed de Woody Allen. Tout au long de sa carrière, Allen s’est inspiré de cinéastes comme Rohmer et Truffaut ; cependant, cet hommage n’est pas toujours aussi manifeste que dans ce film. L’histoire tourne autour d’une série de relations et de trahisons au sein d’un groupe très uni de femmes, avec un personnage masculin secondaire assurant occasionnellement la narration. Cette ressemblance superficielle avec « Hannah et ses sœurs » est indéniable, mais la comparaison s’arrête là car Mouret ne approfondit pas ses personnages ni leurs émotions complexes, même s’il les déplace avec un certain flair.

L’histoire tourne autour de Victor (Vincent Macaigne, personnage fréquent dans les œuvres de Mouret), mari dévoué de l’institutrice Joan (India Hair). Cependant, le dévouement inébranlable de Victor commence à étouffer Joan, et elle ne sait pas exactement quand ses sentiments pour lui ont changé. « Retracer le début de l’histoire est un défi », déclare Victor en voix off, tout comme Joan ne peut pas identifier le moment exact où elle a perdu l’amour pour son mari autrefois doux et bienveillant. Lorsqu’elle se confie à son amie et collègue Alice (Camille Cottin de « Call Your Agent »), elle anticipe un choc. Au lieu de cela, Alice explique calmement qu’il est courant d’être marié sans être amoureux, citant sa propre relation de longue date, affectueuse mais détachée, avec son mari Eric (Grégoire Ludig).

Selon Alice, le secret est que votre conjoint croit que vous êtes tout aussi profondément amoureux de lui que de vous. Cependant, elle ignore qu’Eric est impliqué dans une longue liaison avec Rebecca, l’amie célibataire et désorganisée d’Alice et Joan, professeur d’art, qui s’exprime souvent sur ses problèmes romantiques compliqués sans mentionner de noms spécifiques. Incapable de se réconcilier avec la suggestion d’Alice de compréhension conjugale, Joan se confie à Victor, qui répond d’abord par une compréhension étonnamment compréhensive et une acceptation constructive qui se transforme plus tard en déni. Cela l’amène à éprouver une détresse autodestructrice. Alors que Joan commence à quitter son mariage et noue une amitié avec un nouveau collègue et voisin, Thomas, ce qui laisse entrevoir le potentiel de quelque chose de plus, Alice décide de tester les eaux de l’infidélité. Cependant, son calme habituel vacille pour la première fois dans cette situation.

Le scénario de Mouret et Carmen Leroi présente une représentation compacte de la dynamique relationnelle des Xennials, en particulier au sein d’un groupe urbain-bourgeois caractérisé par des pulls douillets, des sorties cinéma dans des cinémas indépendants et des maisons remplies de livres empilés négligemment. Bien qu’aucune intrigue secondaire n’offre de rebondissements inattendus, il y a des commentaires perspicaces et pleins d’esprit sur l’hypocrisie qui peut émerger lorsque les règles matrimoniales deviennent plus laxistes – Eric est peut-être d’accord avec l’infidélité, mais il est troublé par l’idée que son partenaire ou son amant soit impliqué avec d’autres. Le scénario est peu moralisateur, mais certains personnages finissent par se rendre compte que la maison est vraiment l’endroit où réside le cœur.

À mon avis, ce qui me manque, c’est la représentation intime des personnages, semblable aux plus belles œuvres d’Allen, qui pourrait transformer ce conte léger en quelque chose de profondément émotionnel. Chaque acteur a habilement interprété son rôle comique – Macaigne m’a particulièrement touché dès le début avec son acceptation poignante et effondrée du fait que son mariage a pris fin, sans aucune faute spécifique de sa part. « Trois amis » montre une telle intensité avec beaucoup de retenue : la mise en scène de Mouret est vive et fonctionnelle, avec la cinématographie de Desmet douce et quelque peu sourde, et la musique d’Esdraffo délicate et sobre, renforcée par des pièces classiques bien connues de Mozart, Ravel, Mendelssohn et autres. Parfois, comme Allen l’a dit dans « Annie Hall », il suffit de maintenir un rythme constant, et cela s’applique également aux relations et à la réalisation de films.

2024-08-30 23:17